A pour ACTES, M pour MUTUELS


11. Travail du sexe au masculin en établissement au Canada
Travail du sexe au masculin en établissement au Canada

Le travail du sexe en établissement ne se passe pas que dans les bordels. Comme l'indique Forbes (1977), il existe beaucoup d'autres endroits où se pratique la prostitution depuis de nombreuses décennies :

Les prostitués hommes interrogés admettent fréquenter les clubs gais, les bars de certains hôtels, les bains sauna et les salons de massage pour y rencontrer d'éventuels clients. Alors que certains espèrent trouver un «papa-gâteau» ou une «dupe» avec qui se mettre en ménage, et échangent leurs services sexuels contre le gîte et le couvert, d'autres se font juste assez d'argent pour subsister au jour le jour.169 [Traduction libre]

Au Canada, on pense que la prostitution de rue, celle qui est visible, ne représente que 20 % de tout le travail du sexe.170 Il n'est pas étonnant que l'inquiétude du public face au travail du sexe se limite généralement à la prostitution de rue. Selon les sondages d'opinion publique effectués par le Comité Fraser (1985), 45 % des Canadiens pensent que «la prostitution, tant qu'elle reste discrète» [Traduction libre] est acceptable, mais 11 % seulement sont prêts à la tolérer dans la rue.171

Comme pour tous les endroits moins exposés où se pratique le travail du sexe, il est difficile de trouver de l'information sur la prostitution masculine en établissement. Ce chapitre se concentre donc sur le peu de documents existant sur un secteur de ce type de prostitution : le travail en établissement des agences d'escorte, des préposés de salons de massage et de ceux qui travaillent de façon autonome.

Les risques pour la santé et la sécurité, notamment le risque d'infection à VIH, varient selon le type de travailleur du sexe à qui on a affaire : les prostitués de la rue, les escortes, ou les prostitués qui travaillent en établissement … Les prostitués de la rue ont tendance à être sur-représentés dans les études sur le travail du sexe, on fera donc attention à ne pas généraliser, sur la foi de ces études, quant aux risques que présentent les autres types de travailleurs du sexe.172 [Traduction libre]

Agences d'escortes et travailleurs autonomes

Prenez n'importe quel journal canadien, annuaire du téléphone ou hebdomadaire annonçant les attractions de la semaine, et vous y trouverez des annonces d'agences d'escortes et de travailleurs autonomes.173 Ces services sont l'une des principales formes du travail du sexe en établissement au Canada.

Il est important de se souvenir qu'au Canada, la prostitution de rue est illégale, alors que les services d'escorte ne le sont pas — un aspect discriminatoire de la loi qui a un effet préjudiciable sur les travailleurs du sexe plus défavorisés.174

Comme ces agences n'annoncent pas explicitement offrir des services de prostitution, il peut être difficile de prouver leur responsabilité lorsque des rapports sexuels sont échangés contre de l'argent … Les femmes et les hommes qui travaillent à leur compte ou pour des agences sont contactés par téléphone ou pagette et rencontrent leurs éventuels clients chez eux ou dans un endroit choisi par le client.175 [Traduction libre]

Au Canada, le travail du sexe au masculin se pratique de plus en plus en établissement. Un nombre record de travailleurs du sexe utilisent le téléphone et une résidence privée pour faire leur travail, ou travaillent comme escortes et masseurs agréés, souvent pour rendre leur milieu de travail plus sûr, pour eux et pour leurs clients.176

De nos jours, la prostitution est souvent cachée, voire invisible, dans les petites villes canadiennes. Un groupe de travail national formé récemment a découvert que, dans les petites villes canadiennes, presque tous les services de prostitués sont offerts par des agences d'escortes ou des autonomes travaillant en établissement.177

Cela pose un problème sur le plan de l'infection à VIH puisque les services de santé et organismes d'intervention communautaire ne savent pas toujours où et comment offrir leurs services aux travailleurs du sexe, d'autant que ceux-ci, et les agences d'escortes, ne tiennent pas à divulguer l'importance de leurs activités par peur de la police ou des tribunaux.

Voici un exemple : un programme communautaire de prévention du VIH offert à Toronto, employant des travailleurs du sexe en activité et d'anciens travailleurs du sexe, explique avoir du mal à se faire accepter des agences d'escortes et des maisons de prostitution, surtout de celles qui offrent les services de prostitués d'origines ethniques particulières. Certains secteurs de la prostitution en établissement maintiennent un strict contrôle sur leurs employés, s'intéressant davantage à faire de l'argent qu'à leur santé.178

Salons de massage

Nous savons qu'il y a des salons de massage dans de nombreuses villes canadiennes. Nous savons aussi que ce sont des endroits où se pratiquent certaines formes de travail du sexe. Bien qu'il n'existe presque aucune étude sur la question du VIH et des hommes qui vendent leurs services sexuels dans les salons de massage, ou sur leurs clients, nous en avons découvert une petite.

En 1995, l'Asian Community AIDS Service (Toronto) a effectué une évaluation des besoins des travailleurs du sexe asiatiques. Six étaient des hommes âgés de 22 à 30 ans qui travaillaient dans un salon de massage. L'étude révèle que :

L'endroit est propre et il existe une grande cohésion entre les travailleurs du sexe/masseurs hommes et femmes… Le prix des services de massage est établi à l'avance et les propriétaires touchent 50 % sur tout. Si des services sexuels sont offerts, la ou le prostitué(e) garde la totalité de la somme payée (appelée pourboire) … La question des condoms pourrait être améliorée. Les propriétaires ont demandé à leurs employés de ne pas apporter de condoms dans l'établissement de peur d'être incriminés. Cette demande des propriétaires favorise les pratiques sexuelles dangereuses. Les participants ont déclaré que des services sexuels [étaient offerts] dans le salon; et qu'ils savent que certains des travailleurs acceptent d'avoir des rapports sexuels à risque en échange de plus d'argent. D'autres cachent des condoms sur eux pendant leur quart, malgré l'interdiction de l'employeur. Il arrive que les clients amènent leurs propres condoms dans le salon; les répondants disent que certains clients connaissent les dangers d'avoir des rapports sexuels non protégés.179 [Traduction libre]



Références

  1. FORBES, G. A. Street Prostitution in Vancouver's West End: Prepared for the Vancouver Police Board and Vancouver City Council, Vancouver, Vancouver Police Department, 1977, p. 3. [back]

170. BUREAU OF MUNICIPAL RESEARCH. Cities, Toronto, Toronto Bureau of Municipal Research, 1983. 171. ACHILLES, R. The Regulation of Prostitution, document de travail présenté au Bureau de la santé de Toronto, Toronto, Service de Santé publique, 24 avril 1995.

172. JACKSON, L. et HIGHCREST, A. «Female Prostitutes in North America: What Are Their Risks of HIV Infection?», dans AIDS as a Gender Issue: Psychosocial Perspectives, publié sous la direction de L. Sherr, C. Hankins et L. Bennett, London, Taylor and Francis, 1996, cité dans DE BRUYN, T. VIH/sida et discrimination : un document de travail, Projet conjoint sur les questions juridiques et éthiques soulevées par le VIH et le sida, Montréal, Réseau juridique canadien VIH/sida et Ottawa, Société canadienne du sida, 1998, p. 62.

173. ALLMAN, D. Personal Classified Advertisements of Men Seeking Sex With Men: Trends in Representations of Risk Behaviour, 1980-1994, communication faite dans le cadre de la 4e Conférence canadienne annuelle de recherche sur le VIH/sida, Toronto, juin 1994.

174. JACKSON, L. et HIGHCREST, A. «Female Prostitutes in North America: What Are Their Risks of HIV Infection?», dans AIDS as a Gender Issue: Psycho-social Perspectives, publié sous la direction de L. Sherr, C. Hankins et L. Bennett, London, Taylor and Francis, 1996, cité dans DE BRUYN, T. VIH/sida et discrim-ination : un document de travail, Projet conjoint sur les questions juridiques et éthiques soulevées par le VIH et le sida, Montréal, Réseau juridique canadien VIH/sida et Ottawa, Société canadienne du sida, 1998, p. 63.

175. GROUPE DE TRAVAIL FÉDÉRAL-PROVINCIAL-TERRITORIAL SUR LA PROSTITUTION. Résultats de la consultation nationale sur la prostitution dans certaines administrations, Rapport provisoire, Ottawa, Ministère de la Justice, 1995b, p. 6.

176. HIGHCREST, A. At Home on the Stroll. My Twenty Years as a Prostitute in Canada, Toronto, Alfred A. Knopf, 1997.

177. GROUPE DE TRAVAIL FÉDÉRAL-PROVINCIAL-TERRITORIAL SUR LA PROSTITUTION. Résultats de la consultation nationale sur la prostitution dans certaines administrations, Rapport provisoire, Ottawa, Ministère de la Justice, 1995b, p.6.

178. JACKSON, L., HIGHCREST, A. et COATES, R. «Varied Potential Risks of HIV Infection Among Prostitutes», Social Science and Medicine, 1992, vol. 35, no 3, p. 283, citant une conversation entre Alexandra Highcrest et des travailleurs du sexe de Toronto.

179. WONG, S. K. H. Needs Assessment of Asian Sex Trade Workers in Toronto, Final Report, Toronto, Asian Community AIDS Services, 1995, 17-18.

About SWAV... [Next...] [Contents] [Dan Allman]

Created: February 5, 2000
Last modified: February 5, 2000
Walnet Dan Allman
Box 3075, Vancouver, BC V6B 3X6
Email: dan.allman@walnet.org