A pour ACTES, M pour MUTUELS


13. Travail du sexe au masculin et identité sexuelle au Canada
Travail du sexe au masculin et identité sexuelle au Canada

Les travailleurs du sexe hommes offrent en général leurs services à des clients masculins, mais ne se considèrent pas pour autant homosexuels ou gais. Parmi les travailleurs du sexe hommes qui ont participé à l'étude du Comité Badgley , 31 % ont indiqué qu'ils étaient homosexuels ou gais, 23 % ont déclaré être hétérosexuels, 31 % ont dit être bisexuels et près de 4 % se sont identifiés comme étant transgenderistes. De plus, sept ont indiqué être indécis au sujet de leur sexualité.

Bon nombre de ces hommes ont dit qu'ils avaient d'abord été attirés par la vie de la rue parce que, en tant qu'homosexuels, ils n'étaient parvenus à se faire accepter dans aucun autre milieu; ils ont indiqué qu'ils s'étaient sentis rejetés ou aliénés à la maison ou à l'école lorsque, au début de leur adolescence, ils avaient pris conscience de leur attirance pour d'autres hommes. Trop jeunes pour fréquenter les «bars gais,» bon nombre de ces jeunes hommes se sont mis à fréquenter la rue, le seul endroit où ils croyaient pouvoir rencontrer des personnes ayant une orientation sexuelle semblable à la leur et où ils pouvaient échapper à l'hostilité et à la dérision de leur famille et de leurs pairs.193 [Traduction libre]

Exploration de la sexualité

Bon nombre d'études canadiennes ont suggéré que les jeunes hommes qui se disent homosexuels sont peut-être plus susceptibles de se joindre aux rangs des travailleurs du sexe que ceux qui s'identifient autrement. Le facteur le plus important semble être que, pour ces hommes, le travail du sexe est un moyen d'explorer et de découvrir leur propre sexualité.194

Il n'est pas clair si cette tendance à s'identifier à un stéréotype sexuel est une conséquence de la prostitution ou de la séduction homosexuelle, ou si les jeunes gais qui ne se sentent pas acceptés dans leur environnement social finissent par se laisser aller à la prostitution.195 [Traduction libre]

Certaines études ont mis en lumière les différences entre l'expérience des travailleurs du sexe hommes qui se disent gais et celle de ceux qui ne s'identifient pas comme gais.

Les travailleurs du sexe hommes qui sont gais, contrairement à leurs homologues hétérosexuels, ont des liens uniques avec la rue. Pour certains, c'est plus qu'un moyen de faire de l'argent. C'est parfois un moyen d'éviter les conflits concernant leur orientation sexuelle («Je ne suis pas gai, je le fais uniquement pour l'argent.») Cela peut être perçu comme un moyen de rencontrer des gens, d'avoir des contacts avec d'autres hommes gais et de trouver une relation stable.196 [Traduction libre]

Développement de l'identité sexuelle

D'autres études canadiennes font ressortir l'effet de refuge qu'offre le travail du sexe au masculin pour le développement d'une identité sexuelle gaie.

C'est un moyen pour un jeune gai inavoué de composer avec son identité sexuelle. Incapable de s'avouer gai, il ne peut pas non plus ignorer ses sentiments et ses besoins. La prostitution est un moyen pour lui de jouer le jeu sans l'appeler par son nom.197 [Traduction libre]

Dans une discussion sur la recherche se rapportant au projet de loi C-49, Brannigan et Fleischman (1989) ont écrit :

pour les jeunes hommes prostitués, travailler dans la rue est souvent un moyen de «s'avouer» homosexuel et de rencontrer d'autres hommes gais. Souvent, ces jeunes n'attirent pas l'attention des forces de l'ordre et n'apparaissent pas non plus dans les statistiques officielles en tant que prostitués.198 [Traduction libre]

Brannigan (1994) a également décrit de récentes expériences de mise en application de la loi à Calgary et la façon dont l'identité sexuelle et l'environnement sexuel des jeunes hommes travailleurs du sexe diffèrent de ceux des travailleuses du sexe :

La police a entrepris une opération d'infiltration dans le district des travailleurs du sexe gais. Les agents ont intercepté les clients de jeunes garçons et découvert que le district des prostitués hommes était très différent de celui de leurs homologues de sexe féminin. Les motifs qui poussent à la prostitution dans ces deux districts sont très différents. Les femmes sont motivées par l'aspect financier. Elle veulent faire de l'argent très rapidement et faire le travail aussi vite que possible pour le prix le plus élevé possible. Dans le district gai, bon nombre des jeunes hommes qui font de la sollicitation ne le font pas tant par nécessité financière (nous sommes conscients que cela est une réalité) que parce qu'ils cherchent à développer leur identité sexuelle. Bon nombre de ces jeunes hommes ont des sentiments bisexuels ou homosexuels et fréquentent le district parce qu'ils peuvent y rencontrer d'autres hommes ayant les mêmes penchants. Les agents de police arrivaient difficilement à faire des arrestations parce que lorsqu'ils les abordaient, les jeunes garçons leur jetaient un coup d'oeil, leur faisaient signe qu'il étaient intéressés et, dans bien des cas, les invitaient à avoir des rapports sexuels sans demander d'argent en échange. Ils voulaient simplement avoir des rapports sexuels par affection. Après 1988 environ, les agents ont simplement cessé de patrouiller ce district et nous constatons que les arrestations se limitent désormais aux districts de prostitution hétérosexuelle.199 [Traduction libre]

Bisexualité, VIH et travail du sexe au masculin

Publiée en 1989, une étude effectuée en Colombie-Britannique sur les test de dépistage du VIH auprès de 199 marginaux de la rue a permis de constater que parmi 33 travailleurs du sexe hommes bisexuels qui s'injectaient des drogues, quatre (12,1 %) étaient porteurs du VIH. De plus, trois des 29 travailleurs du sexe bisexuels (10,3 %) qui ne s'injectaient pas de drogues étaient porteurs du VIH. Cette étude concluait que «chez les marginaux de la rue à Vancouver, l'utilisation des drogues par injection, la prostitution et la bisexualité sont chose courante. La séropositivité à l'égard du VIH a atteint un point critique … et les stratégies devraient se focaliser sur les travailleurs du sexe hommes bisexuels.»200 [Traduction libre]

En Ontario, l'enquête BISEX a interrogé 1 314 hommes bisexuels, dont 20 avaient rencontré au moins un partenaire occasionnel par le biais du travail du sexe. 201 Une analyse effectuée en 1997 indique que la moyenne d'âge de ce sous-échantillon était de 36 ans. Ces 20 bisexuels s'étaient tous identifiés comme tels et 25 % d'entre eux étaient mariés. Dans les discussions sur leur comportement sexuel des douze derniers mois, 6 % ont indiqué avoir eu des relations anales non protégées avec un homme, 46 % ont indiqué avoir pratiqué la pénétration anale et vaginale non protégée avec une femme, 24 % ont indiqué avoir pratiqué la pénétration anale ou vaginale non protégée avec des partenaires des deux sexes et 24 % ont indiqué n'avoir eu que des relations vaginales ou anales protégées avec des hommes et des femmes.202

Aucun des hommes bisexuels de ce sous-échantillon n'a indiqué avoir déjà eu la gonorrhée, des verrues génitales, l'herpès génital ou l'hépatite A, B ou C. L'un des hommes a indiqué avoir eu la chlamydia et un autre la syphilis. Vingt-sept pour cent de ces hommes avaient eu un test de dépistage du VIH et aucun n'a indiqué être séropositif. De plus, tous ont dit qu'ils croyaient être séronégatifs au moment où l'étude a été effectuée.203



Références

  1. Voir Comité Badgley sur les infractions sexuelles à l'égard des enfants et des jeunes Infractions sexuelles à l'égard des enfants et des jeunes, Ottawa, Approvisionnements et Services, 1984, p. 969-70. [back]

194. MATHEWS, R. F. Mirror to the Night: A Psycho-Social Study of Adolescent Prostitution, thèse de doctorat inédite, faculté d'éducation de l'Université de Toronto, 1986; VISANO, L. This Idle Trade, Concord, Visano Books, 1987; SCOTT, V. The Role of Sex Worker Representative Organisations, communication faite dans le cadre de la 1re Conférence nationale sur l'industrie du sexe, Melbourne, Australie, octobre 1988; Lowman, J. «Prostitution in Canada», dans Canadian Criminology: Perspectives on Crime and Criminality, publié sous la direction de M. A. Jackson, Griffiths, C. T. et A. Hatch Toronto, Harcourt Brace Jovanovich, 1991; TREMBLE, B. «Prostitution and Survival: Interviews with Gay Street Youth», Canadian Journal of Human Sexuality, 1993, vol. 2, no 1, p. 33-45; HIGHCREST, A. At Home on the Stroll. My Twenty Years as a Prostitute in Canada, Toronto, Alfred A. Knopf, 1997.

195. BADGLEY, C., BURROWS, B. A. et YAWORSKI, C. «Street Kids and Adolescent Prostitution: A Challenge for Legal and Social Services», dans Canadian Child Welfare Law: Children, Families and the State, publié sous la direction de N. Bala, J. P. Hornick et R. Vogl, Toronto, Thompson Educational Publishing Inc., 1991, p. 114. 196. SCHNEIDER, M. S. Often Invisible: Counselling Gay and Lesbian Youth, Toronto, Central Toronto Youth Services, 1988, p. 76.

197. TREMBLE, B. «Prostitution and Survival: Interviews with Gay Street Youth», Canadian Journal of Human Sexuality, 1993, vol. 2, no 1, p. 42.

198. BRANNIGAN, A. et FLEISCHMAN, J. «Juvenile Prostitution and Mental Health: Policing Delinquency or Treating Pathology», Canadian Journal of Law and Society/Revue canadienne droit et société, 1989, 4, p. 80.

199. RADIO-CANADA (réseau anglophone). The Trials of London, dans le cadre du programme Ideas, produit par M. Allen, Toronto, Radio-Canada, 1994.

200. REKART, M. L., CHAN, S., JAMES, E. et BARNET, J. HIV Testing ³on the Street,² communication faite dans le cadre de la Ve Conférence internationale sur le SIDA, Montréal, juin 1989.

201. Cette enquête ne demandait pas aux répondants s'ils étaient des travailleurs du sexe ou des clients dans ces rencontres.

202. MYERS, T., ALLMAN, D., STRIKE, C., CALZAVARA, L., MILLSON, P., MAJOR, C., GRAYDON, M. et LEBLANC, M. Bisexual Men and HIV in Ontario: Sexual Risk Behaviour with Men and with Women, communication faite dans le cadre de la 6e Conférence canadienne annuelle de recherche sur le VIH/sida, Ottawa, mai 1997.

203. Pour obtenir de la documentation sur les réseaux sociaux d'hommes bisexuels canadiens qui se prostituent et s'injectent des drogues, voir NOËL, L., LACHANCE, C., ALARY, M. et MARQUIS, G. Social Network in a Community of Injecting Drug Users Attending a Needle Exchange Program in Québec City, communication faite dans le cadre de la XIe Conférence internationale sur le SIDA, Vancouver, juillet 1996.

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Created: February 5, 2000
Last modified: February 5, 2000
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