Le VIH et autres MTS ne sont pas les seuls problèmes de santé auxquels font face les travailleurs du sexe hommes et leurs clients. Selon certaines études, les travailleurs du sexe ont beaucoup de difficulté à se prévaloir des soins de santé physique et mentale en général.
En 1987, le Réseau national des jeunes pris en charge a mené une consultation nationale sur la prostitution juvénile. Dans la cadre d'une discussion de groupe, la question suivante a été posée à des jeunes : «Avez-vous accès à des services médicaux et qu'est-ce qui vous serait le plus utile en ce moment?» [Traduction libre]
Deux commentaires évoquent la situation des travailleurs du sexe au masculin qui cherchent à obtenir des soins de santé au Canada :
Les tests de dépistage du VIH sont censés être confidentiels, mais il y a toujours des gens qui finissent par être au courant de vos problèmes de santé et par en parler.
Lorsque je suis entré à l'hôpital pour me faire soigner, la première chose qu'on m'a demandé c'était si oui ou non j'étais homosexuel. Dès que j'ai répondu oui, les soignants ont immédiatement mis un masque et enfilé des gants et j'avais l'impression qu'on me traitait comme une sorte de cobaye.218 [Traduction libre]
D'autres ont suggéré que malgré l'accessibilité universelle aux soins de santé au Canada, il y a une population à risque élevé qui n'utilise pas le système de soins de santé actuel. Une proposition devrait être mise de l'avant visant à envoyer des professionnels de la santé dans la rue pour recruter des jeunes à risque élevé et leur faire subir un examen médical complet et un test de dépistage des maladies transmises sexuellement. Le coût de ce mode de prestation des soins de santé serait minime par rapport à la souffrance humaine et aux coûts qu'entraînent les complications associés aux maladies transmises sexuellement.219 [Traduction libre]
Aujourd'hui, au Canada, des preuves s'accumulent en faveur de l'hypothèse selon laquelle il n'y a pas nécessairement d'association entre le travail du sexe au masculin et le VIH et le sida. Dans ce contexte, les porte-paroles des travailleurs du sexe sont d'avis que les forces policières et les initiateurs de programmes devraient s'éloigner de leurs politiques de criminalisation et adopter une autre orientation qui encouragerait la sécurité au travail et des pratiques sexuelles saines.
Des attitudes, des lois et des politiques qui stigmatisent les travailleurs du sexe et sont discriminatoires envers eux affectent «la santé, le bien-être et la sécurité des travailleurs du sexe, surtout ceux de la rue, et augmentent leur vulnérabilité à l'infection à VIH.»220 [Traduction libre]
Les travailleurs du sexe sont souvent non enclins à utiliser les services de santé et les services sociaux à cause du stigmate associé à leur métier.221 [Traduction libre]
Or, malgré le manque de preuves à l'appui du «lien exagéré» entre le travail du sexe au masculin et le VIH et le sida, «il existe toujours des politiques orientées vers la surveillance sanitaire des prostitués.»222
Si le milieu de travail dans lequel évoluent les jeunes garçons était plus structuré, les «méfaits» ou mieux encore les «risques», seraient radicalement réduits. C'est précisément parce qu'on n'a pas d'endroit légal où travailler (surtout dans les petites villes et les villages), qu'on le fait dans la rue où l'on retrouve des jeunes fugueurs ou des jeunes qui se prostituent pour survivre. Et c'est dans cette zone grise de négociation, de confiance et de relations que les jeunes garçons risquent le plus d'avoir régulièrement des rapports sexuels non protégés et d'attraper quelque chose.223 [Traduction libre]
Examens médicaux et tests dépistage du VIH obligatoires ou imposés aux travailleurs du sexe au Canada
Une question importante en rapport avec l'accès aux soins de santé par les travailleurs du sexe concerne les examens médicaux obligatoires ou imposés, y compris le dépistage du VIH chez les travailleurs du sexe.
En 1984, 69 % des Canadiennes et Canadiens étaient d'accord avec l'énoncé selon lequel «la prostitution est une cause majeure de propagation des maladies vénériennnes» [Traduction libre], et 82 % convenaient que l'un des rôles du gouvernement en rapport avec le travail du sexe chez les adultes était «d'exiger que les travailleurs et travailleuses du sexe subissent un examen médical.»224
La Commission de réforme du droit de l'Ontario (1992) n'était pas persuadée que les tests obligatoires pour les travailleurs et travailleuses du sexe décourageraient les activité sexuelles à haut risque. La Commission ne voyait pas très bien non plus «en quoi le dépistage obligatoire contribuerait à prévenir la transmission du VIH dans l'industrie du sexe.» [Traduction libre]
À moins que le Canada ne soit disposé à considérer la mise en quarantaine pour une période indéterminée ou l'imposition d'autres restrictions à tous les travailleurs et travailleuses infectés des mesures qui inciteraient les prostitué(e)s et autres personnes à risque à éviter le dépistage du VIH et d'autres options l'information obtenue par le dépistage ne servirait pas à grand chose. En un mot, la Commission croit qu'en ce qui concerne les travailleurs du sexe et leurs clients, la meilleure façon d'aborder la question du risque de transmission est le recours à des programmes d'éducation ciblés visant à encourager l'adoption de comportements à risques réduits, y compris la diffusion d'information concernant l'utilisation du condom et d'aiguilles propres. Aucune exception à une règle générale sur le consentement volontaire, spécifique et éclairé pour tous les tests de dépistage du VIH ne serait justifiée en ce qui a trait aux travailleurs du sexe hommes ou femmes.225 [Traduction libre]
En 1943, dans un article sur la syphilis paru dans la Revue canadienne de santé publique, N. A. Nelson faisait remarquer que si l'examen obligatoire des travailleurs du sexe
pouvait empêcher la transmission des infections, ceux qui appuient la prostitution ou qui en tirent profit l'auraient exigé il y a bien longtemps, et à leurs propres frais. L'élimination de l'infection dans la prostitution vaudrait des millions de dollars, car c'est la propagation rapide des maladies par les prostituées qui fait que le public s'attaque à la prostitution avec autant de véhémence.226 [Traduction libre]
En 1989, le Comité consultatif national sur le sida a découvert que «le dépistage obligatoire ou systématique du VIH n'est pas justifié pour les personnes qui travaillent dans l'industrie du sexe parce que les méfaits qui en résultent l'emportent sur les bénéfices qu'elles peuvent en tirer.»227 [Traduction libre]
Et un rapport de 1997 sur le dépistage du VIH et la discrimination tirait la conclusion suivante :
Le dépistage obligatoire ou systématique chez les travailleurs du sexe, ou d'autres mesures coercitives les visant, ne feront rien pour empêcher la propagation du VIH chez les travailleurs du sexe et leurs clients. Il faudrait plutôt des interventions qui donneraient aux travailleurs du sexe des moyens de se protéger contre la transmission du VIH et les habiliteraient à les utiliser. Il faudrait également analyser l'impact sur les efforts de prévention de l'infection à VIH des lois qui régissent et criminalisent la prostitution.228 [Traduction libre]