Depuis le début des années 80, les médias canadiens ont continuellement représenté le stéréotype du travailleur du sexe au masculin comme un vecteur de transmission du sida. Citons en exemple un reportage élaboré, paru dans le Vancouver Province, traitant de la difficulté de restreindre les comportements irresponsables des travailleurs du sexe et de leurs clients. L'article, intitulé «A Deadly Dilemma» (Un dilemme fatal), racontait l'histoire d'une travailleuse du sexe séropositive, mais l'illustration d'un quart de page qui accompagnait l'article et comportait une photo de deux travailleurs du sexe hommes était commentée par une légende où l'on pouvait lire «des prostitués masculins attendent des clients
questions épineuses pour les autorités sanitaires.»248 [Traduction libre]
En 1993, la presse canadienne a vraiment manqué de retenue lorsque des histoires de pornographie gaie dans la ville de London, en Ontario, ont commencé à tapisser les journaux de tout le pays.
Depuis le tout début, le cas de London a été caractérisé par l'exagération et la fausse représentation. On a rapporté l'existence d'un réseau de pornographie infantile, alors que la plupart des hommes arrêtés se connaissaient, et seulement deux d'entre eux avaient fabriqué du matériel pornographique, matériel qui n'avait d'ailleurs été distribué à personne d'autre. Il se serait plutôt agi d'un duo de pornographie infantile. On a complètement négligé de faire quelque distinction que ce soit. On a qualifié «d'enfants» des jeunes de dix-sept ans, au plus fort de leur vigueur sexuelle. Les reportages laissaient croire que ces jeunes garçons angéliques avaient été séduits et arrachés à des familles bourgeoises aisées, alors qu'en réalité, tous, à l'exception d'un ou deux, venaient de familles éclatées et dysfonctionnelles, pour citer les termes utilisés dans les dossiers de la cour. Ces jeunes avaient trouvé, d'habitude en s'aidant mutuellement, des hommes gais qui leur donneraient de l'argent, des vêtements et, dans certains cas, un endroit où se loger. À London, trois institutions la police, l'assistance sociale et la presse agissant de concert, mènent une lutte acharnée contre cette sous-culture d'hommes et de jeunes marginaux .249 [Traduction libre]
La frénésie médiatique des années 90 en rappport avec les procès de London a des implications non seulement pour les hommes et les jeunes de cette ville ontarienne de taille moyenne, mais aussi pour les travailleurs du sexe hommes et leurs clients de partout au pays :
Je vais m'en tenir à ce que je sais. Les jeunes de London sont traités comme des criminels pour avoir essayé de gagner leur vie comme prostitués, et c'est leur métier. Leur vie privée a été mise en étalage partout dans la presse et dans leur communauté. Mais London n'est pas le seul endroit où des jeunes prostitués masculins sont victimes de harcèlement. Au cours des huit derniers mois, à Toronto, quatre jeunes hommes ont été arrêtés et bon nombre d'autres ont été soumis à des interrogatoires en rapport avec le soit-disant «réseau de prostitution infantile.»250 [Traduction libre]